« Demander à Bastion de me ramener. »
Je ne prends pas longtemps pour prendre ma décision, je suis très loin de chez mes amis, ça me prendrait des heures à pieds, en particulier si je dois me méfier à chacun de mes pas. Je redresse la tête pour m’adresser à Bastion. J’ouvre à peine la bouche qu’il me coupe l’herbe sous le pied :
– Aller, j’ai compris je te ramène.
– Quel gentleman, ne puis-je m’empêcher de le taquiner, tu anticipes les besoins des dames, j’admire.
Je lui tire la langue en le suivant en dehors de l’entrepôt. De là, on entend déjà les sirènes lointaines des voitures de police. Je suis mon acolyte jusqu’à un coin sombre à l’angle de la bâtisse. Apparait alors une moto ultramoderne :
– Dur dur de devoir respecter le code de la route pour sauver le monde, dis-je avec sarcasme en admirant le bolide.
– On n’a pas tous les moyens d’être un jugement venu des cieux, ma petite, me répond-il effrontément.
Je me mets ma main sur le cœur en faisant semblant d’être profondément heurtée par sa remarque avant de m’installer derrière lui. Je lui indique une rue non loin de mon domicile et me fais la remarque que, finalement, je passe bel et bien le peu de temps libre que j’ai chez mes amis, contrairement à ce que je leur avais annoncé au départ… pas très prudent de ma part. Enfin bon, si je rentre chez moi ce soir, je trouverai à coup sûr des gros titres se demandant pourquoi je rentre à pied dès demain. Mieux vaut éviter, d’autant plus que je suis épuisée.
Tout au long du trajet, je sens que mes paupières deviennent de plus en plus lourdes. Pour lutter contre la fatigue, je serre un peu plus Bastion, au départ il réagit légèrement, puis il laisse couler. En temps normal j’en aurais joué mais je n’ai l’esprit qu’à retrouver le canapé de mes fidèles amis.
L’avantage des rues au milieu de la nuit, c’est que la circulation est nulle, le trajet passe en un clin d’œil. Bastion pose un pied à terre et je descends.
– Ça va aller ? me demande-t-il.
– Oui, je ne suis pas très loin.Et n’oublie pas de dormir, parce que tes cernes descendent au-delà de ton masque, ça devient urgent, me conseille mon partenaire.
Je hoche la tête, déjà prête à m’endormir sur place. Je baille, et je sens que Bastion semble hésiter à ajouter quelque chose.
– Et… Je sais que tu aimes par-dessus tout bosser en solo, mais cette fois-ci il se peut que le poisson soit plus gros que tu ne le penses. Je suis sûr que tu n’es pas seule en ce moment, n’est-ce pas ?
Je secoue négativement la tête : non, je ne suis pas seule, mais je ne veux pas impliquer mes amis dans mes dangers quotidiens.
– Si tu en as l’occasion, accepte l’aide qui t’es proposée, attrape la main qu’on te tend. Parfois, changer de méthode ne fait pas de mal, en particulier dans les périodes difficiles comme celles-ci, me conseille-t-il.
Je le regarde avant de commencer à reculer vers la rue en m’étirant.
– J’y penserais, lui dis-je en m’éloignant.
Heureusement pour moi, Émilie et Jazon ont laissé une clé sous leur paillasson, « la classique » me diriez-vous. J’entre donc à pas de loup, veillant à ne faire aucun bruit. Là, je découvre qu’Émilie s’est endormie devant une série sur le canapé, emmitouflée dans son « plaid tout doux ». Je le contourne pour attraper la télécommande et éteint la télévision. Je croise alors un petit mot laissé à mon attention sur la table basse : « Si je m’endors, dîtes à Alana de prendre ma chambre. Si c’est Alana qui lit ce mot : POURQUOI RENTRES-TU AUSSI TARD SANS PREVENIR !! TU VAS VOIR DE QUEL BOIS JE ME CHAUFFE » Je pouffe malgré moi et me dirige vers la salle de bain pour retirer mon costume.
En retirant mon masque devant le miroir, je prends presque peur devant mon visage : un panda ferait pâle figure à côté de moi. Le noir de mes cernes est si intense que je peine à reconnaitre mes propres traits. Cette vision me fait accélérer le mouvement. Une fois sortie de la salle de bain, je me jette presque sur le lit de mon amie. Je m’installe confortablement sous la couette et il ne me faut que quelques minces secondes pour que le marchand de sable m’emporte.
Le lendemain… Attends, quoi ? Il est 14h du jour suivant ! Comment est-ce possible ?! J’ai fait plus que le tour du cadrant., cela fait plus d’un jour et demi que je dors ! Ça veut dire que j’ai laissé la ville sans héros pendant plus d’une journée ? Bon, relativisons, Bastion devrait toujours être dans les parages.
En quatrième vitesse (enfin plutôt en vitesse éclair en réalité), je m’habille et me précipite vers le salon. Ce que je vois me surprend au plus haut point : le salon est recouvert de papiers, de fiches et de post it, il y a des tas de papiers un peu partout et je vois mes deux amis affairés à débattre en se montrant des documents. J’aperçois aussi Adrien, installé sur un fauteuil au fond du salon. Je fais les yeux ronds : qu’est-ce qu’il leur prend ? Soudain, Émilie et Jazon me remarquent :
– Bien hibernée ? s’amuse Jazon en remontant ses lunettes sur son nez.
– Je…oui merci, mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? réponde-je, déconcertée.
Les deux compères m’incitent à approcher.
– Nous faisons des recherches sur la personne qui a pu dévoiler ton identité, pardi ! Tu n’as pas l’air très décidée à nous laisser participer mais nous ne te demandons pas ton avis, s’enquit Émilie.
– D’autant plus que depuis lors, tu nous évites et te ruines la santé. Ça ne peut plus durer. Te rends-tu compte que tu n’as pas dormi pendant quatre jours ? Il va te falloir plus qu’une journée pour récupérer, ajoute Jazon, l’air renfrogné.
Ils sont en colère, je les comprends. Une petite voix dans ma tête me dit que je ne peux pas les ignorer, même si j’aurais voulu ne pas du tout les impliquer. Je crois que si je les rejette encore une fois, ils ne me pardonnent pas de ci-tôt… Je repense à ce que m’a dit Bastion l’autre soir : accepter la main qu’on me tend. Je lève les mains en l’air en signe de reddition en m’approchant encore d’eux.
– Très bien, je me rends. Alors, qu’avez-vous trouvé ? demande-je en me penchant pour lire quelques feuilles.
– Pas envie de te le dire tout de suite, enfonce Jazon, comme pour me punir. On verra si tu es sage.
– On n’a pas encore trouvé grand-chose, intervient nonchalamment Adrien du bout de la pièce.
Je lui jette un coup d’œil avant de le remercier.
– Bon bah je vais m’y mettre avec vous alors.
Soudain, un bruit de ventre très caractéristique intervient dans notre discussion. Je meurs de faim. Tous éclatent de rire. Ma bonne intention a été ruinée par mon ventre, n’a-t-il pas honte ?
Par la suite, et pendant plusieurs jours, je fais des allées et venues pour régler différents crimes pendant que mes amis s’affairent sur les recherches, toujours en colère. Mais le plus étonnant, c’est que je tombe les trois-quarts du temps sur des criminels armés des fameux câbles, ou d’équivalent, mais j’arrive à m’en sortir à chaque fois. On ne m’aura pas deux fois avec la même ruse. D’autant plus que ces criminels-ci sont moins méticuleux que le gros coup de l’autre soir. En tout cas, pas de doute, on cherche à me nuire, à m’arrêter, voire pire.
Adrien vient régulièrement nous aider à faire des recherches, cependant, il reste toujours très distant avec moi, nous n’échangeons presque aucun mot, il ne s’adresse qu’à Émilie ou Jazon. Émilie et son colloc’ placent toute leur confiance en lui, il nous aide avec sérieux, alors je ne vais pas me plaindre. Après tout, peut-être est-il juste timide ? Ou alors je l’impressionne peut-être ? Après tout, il a été sorti de son quotidien par les bêtises de l’héroïne Crisis l’Éclair Noir…
Enfin bon, cette fois-ci, on arrive enfin à établir des hypothèses de profil pour notre grand méchant de l’histoire. Il y a plusieurs choses indispensables : il ou elle a des connaissances solides en physique, éventuellement spécialisé dans l’étude des courant électriques, ou un expert des tempêtes, peut-être. Ou alors il a les moyens d’engager d’éminentes têtes pensantes. Néanmoins, cette possibilité est moindre car il aurait aussi les moyens de me suivre aisément dans le ciel grâce à des machines qui coûtent une fortune. Cependant, il a tout de même les moyens de prototyper et produire ses câbles high-tech (à moins qu’il partage ses plans à tous les criminels qui reproduisent l’arme). Notre hypothèse la plus improbable étant qu’un extraterrestre n’ayant pas quitté la Terre il y a 20 ans (ou qui soit revenu) soit derrière tout ça, mais il ne faut pas rêver non plus.
A présent, il ne nous reste plus qu’à recouper nos profils avec les bases de données de la police. Ça tombe bien, je prévoyais de passer discrètement voir mon contact à la police pour me renseigner sur la situation globale, mais en particulier sur la protection de ma mère. Cela me tient à cœur.
O Faire d’une pierre deux, non, trois coups en allant rejoindre mon contact. Je pourrais à la fois m’assurer que ma maman est sous bonne protection, voir si je dois me méfier des forces de l’ordre quand j’interviens, et enfin avoir accès aux profils citoyens comme je le faisais de temps en temps lors de missions pointilleuses.
Faire d’une pierre trois coups (aller voir mon contact à la police)
O Aller menacer un petit hacker pour qu’il pirate les fichiers de la police (il ne va certainement pas me faire croire qu’il ne l’a jamais fait). Je n’ai pas les moyens de payer comptant par les temps qui courent : et, après tout, il gagne sa vie illégalement alors je peux aussi faire un petit écart à ma morale. Je n’ai que rarement fait appel à un hacker auparavant mais il est encore trop tôt pour aller voir mon contact (le pauvre, je le laisse dans l’ignorance depuis plus de dix jours), même si je m’inquiète pour ma maman. Un hacker est plus sûr (je n’en reviens pas avoir dit ça).
Aller menacer un hacker de m’aider.