« Passer au travail d’équipe en leur dissimulant le plus d’informations possible. »
Cela fait déjà trois jours que je ne m’arrête pas. On pourrait croire que ma vie est simplifiée par la révélation de mon identité, après tout, plus besoin de se cacher, mais c’est plus compliqué que ça. J’aurais bien aimé avoir le temps de démentir mais hélas, des dizaines de vidéos et de témoignages ont fait le buzz dans les heures qui suivirent la grande révélation. Sur ce point, c’était totalement foutu. En revanche, j’ai bon espoir de pouvoir arrêter celui qui a provoqué ce désastre. Je n’ai qu’une seule envie, lui tirer les oreilles, ou lui donner une bonne baffe de sorte à ce « qu’il fasse trois fois le tour de son slip sans toucher les bords » (c’est une bonne vieille expression de ma mère que j’affectionne tout particulièrement, ne vous moquez pas, merci). Bref, je veux l’arrêter pour qu’il ne puisse nuire à personne d’autre : parce que voyez-vous, je suis loin d’être la seule héroïne dans la région et, comme dans les bandes dessinées, nous avons chacun notre ville fétiche.
Enfin bon, je divague. Je disais donc que cela fait trois jours que je n’ai pas eu une nuit de sommeil de plus de trois heures (oui, on peut plutôt appeler ça une sieste). Je n’ai pas arrêté mes activités d’Éclair Noir, mais partout où je vais, je suis rapidement encerclée de journalistes. Une vraie galère. Ça me fait perdre un temps monstrueux. Sans compter le fait que je ne peux pas rentrer chez moi pour dormir et que des journalistes sont postés non loin de chez Jazon et Emilie. Par conséquent, je ne peux rentrer que tard le soir, je devrais d’ailleurs dire que je rentre le matin. En réalité, à part le fait que je suis lessivée, ça m’arrange : moins je croise mes amis, moins j’ai de comptes à rendre. Le seul réel bémol est que ma fatigue influe sur mes performances en tant que Crisis mais aussi dans mes études (que je ne compte pas arrêter ! on ne va pas se mentir, être héroïne ne rapporte rien : il faut bien vivre !).
Oh ! J’allais oublier ! J’ai croisé très rapidement mon contact à la police dans un de mes sauvetages. La seule requête que je lui ai formulée est pour ma mère : il est hors de question que, dans son état, Maman soit assaillie par une horde de journalistes, à lui de prendre les dispositions pour. De loin, il a hoché la tête en signe de promesse, j’ai alors bondi dans les nuages en un éclair pour échapper aux fouineurs. L’avantage avec mes éclairs noirs est que je suis rapide et quasiment indétectable lorsque je fais les choses bien. Il faudrait avoir à sa disposition du matériel sophistiqué et coûteux pour me suivre, peu de personne peuvent se le permettre (heureusement pour moi).
Cette quatrième nuit beaucoup trop courte commence à me peser. Je suis assise sur le toit d’un petit immeuble, attendant une transmission sur la radio de la police qui en vaille la peine (les excès de vitesse non merci, je ne suis pas un radar ambulant !). J’ai l’impression que ma vision est un peu plus trouble, sans doute la fatigue, cela ne m’empêche pas de repérer un flash rapide au loin. J’attends quelques secondes, peut-être ai-je rêvé ? Cette fois-ci, une lumière forte se met à clignoter à l’endroit même où ce flash est apparu. Pas de temps à perdre, il faut que j’aille voir. Arrivée au niveau des nuages, qui sont presque inexistant cette nuit, je peux sentir la fraîcheur des gouttelettes stagnantes que je désintègre en passant à travers, suivant cette lueur clignotante. En arrivant au-dessus de l’immense hangar qui sert de garde-meuble, je vois un hélicoptère qui semble venir dans cette direction (bon, ok, c’est très cliché tout ça : un hangar, un hélicoptère, ça sent les méchants habituels à plein nez). De là, je décide de faire mon entrée. L’impact au sol fait un bruit assourdissant tandis qu’une lumière noire illumine l’espace d’un instant le toit du hangar. Est-ce bien trois hommes que j’ai vus là ? Sans doute, car je les vois se cacher derrière de grosses caisses et commencer à tirer. Le gros problème avec mon pouvoir, c’est que les entrées discrètes, on peut les oublier, totalement. Bon, commençons le travail.
Après avoir assommé les trois gus sur le toit grâce à quelques pirouettes, je fouille les fameuses grosses caisses. Je m’étonne de ne trouver que des stocks de claviers et de tours d’ordinateur vides. Tout ça pour ça ? Non, ce n’est pas possible, on ne s’arme pas ni ne prépare une opération d’une telle envergure pour des pièces qui ne valent pas un clou… Il doit y avoir quelque chose d’autre. Je repère rapidement un petit escalier qui semble descendre à l’intérieur du hangar. Je préfère me battre à l’air libre (pour des raisons de sécurité évidentes : je peux battre en retraite en me projetant dans les nuages en cas d’urgence) mais on va faire avec. Discrètement, je descends les marches, scrutant l’immense espace divisé en différents compartiments. Je ne vois pas grand-chose, il fait très sombre, seules quelques diodes indiquant des sorties de secours font office de luminaire. Tout est silencieux, je reste sur mes gardes. Soudain, j’attends des bruits de pas frappant violement les marches derrière moi. Je n’ai pas le temps de me retourner que la personne me heurte et je fais un roulé-boulé jusqu’en bas des marches. Ils m’attendaient. Une dizaine d’hommes équipés qui sortent de derrière des compartiments et des caisses me foncent dessus. Plus rapide, je cours vers eux et engage le combat, en mettant deux à terre. Quatre autres dévient leur course et me frappe avec des barres métalliques. D’une clé bien effectuée, je leur en vole une et m’en serre contre eux, les électrocutant au passage pour les assommer. Et de six ! Cependant, je n’ai pas le temps de me réjouir : je me prends de plein fouet une décharge qui semble opposée à ma charge électrique, ce qui me déséquilibre partiellement. La fatigue se fait tout d’un coup sentir, je perds mon sens de l’équilibre quelques secondes et je titube. Euh… ils avaient prévu que je viendrais ou c’est juste une impression ? Je n’ai pas le temps de réagir qu’ils se saisissent de leurs drôles de câbles et s’en servent pour m’immobiliser les bras. J’essaie de faire un coup d’éclat en me projetant vers le plafond mais… quoi ? quelque chose me retient au sol ! Je ne comprends pas ! J’ai l’impression d’avoir des fourmis qui me parcourent tout le corps. Serait-ce l’effet de ce courant électrique ? D’autres avaient déjà essayé mais cela ne m’avait jamais autant affecté… Soudain :
– Eh Crisis !
Du haut des escaliers, un homme que je connais bien, m’interpelle : Bastion ! Un héros opérant à Méridian mais aussi dans une ville voisine. Je disais il y a quelque temps que mon corps est plus solide que celui de n’importe quel humain : et bien lui, c’est une véritable carapace. Il a tout juste reculé lorsque j’ai foncé en lui sous forme d’éclair la première fois que je l’ai rencontré, pensant que c’était un ennemi. Cela étant, il a des faiblesses, mais je vais me taire car je ne suis pas là pour révéler les petits secrets de mes collègues. Du haut des escaliers, il me lance un regard complice que je reconnais. Il va intervenir. Maintenant, à moi de lui faciliter la tâche : je ne suis pas une demoiselle en détresse et j’ai encore un peu d’énergie à revendre ! Deux hommes me tiennent à environ un mètre cinquante par des câbles tandis que les deux derniers se sont rapprochés de moi pour me saisir les bras et les épaules (des courageux ceux-là d’ailleurs ! S’approcher d’un éclair ce n’est jamais très recommandé par les médecins).
O J’utilise mes dernières forces pour saisir les câbles et tenter de déséquilibrer ceux qui les tiennent. Je n’ai peut-être plus l’usage de mes éclairs pour le moment, mais ma force surhumaine, elle, est toujours au taquet ! Mission réussie ! Deuxième étape, m’extirper de la prise que les deux autres ont sur mes bras. Je fais le dos rond pour les ramener vers l’avant et me sert de cette force pour m’essayer à un salto arrière et m’extirper de leur prise.
Tirer sur les câbles et tenter de faire un salto arrière pour se dégager de ces hommes.
O Les câbles, c’est du gâteau, c’est plutôt les deux gaillards qui m’empêchent de bouger le haut du corps qui me dérangent. D’un coup de maître, j’utilise mes dernières forces pour sauter, les embarquant avec moi. Dans les airs, je ramène les bras vers moi et replie mes jambes sur mon torse. Je prends ensuite appui sur les deux hommes pour me projeter en avant vers ceux qui tiennent les câbles. Je vais leur balancer dessus leurs acolytes, ils vont voir ce qu’ils vont voir !
Se dégager des deux hommes qui la maintiennent au sol pour ensuite tenter quelque chose sur ceux tenant les câbles.